La semaine dernière, je me rongeais les sangs. Je suis redevenue la gamine qui est monté sur le grand plongeoir en crânant, maintenant elle est au bord du vide et l'eau vraiment trop bleue qui scintille 10 mètres plus bas, lui semble vulgaire et faussement séduisante, comme une fille trop maquillée ou un bellâtre aux cheveux gominés. Non, elle ne sautera pas. Elle le sait maintenant toute nue sous son maillot trempé, les bras serrés qui tentent de maîtriser le tremblement qui la secoue, elle ne sautera pas. Elle va faire demi-tour, passer devant les gosses qui attendent leur tour joyeusement (ils ne savent pas encore, eux, ou alors ils l'ont déjà fait cent fois...) Elle va redescendre le long de l'échelle glissante, échelon par échelon, la honte au front, en ayant peur encore de se fracasser la gueule. La défaite.
La semaine dernière, je me fais traiter de bobo : une journaliste qui veut ouvrir un magasin de vélo ! Mais de quoi je me mêle. Et ce nom ridicule : à vélo citoyen ! Je tente de déposer une affichette dans une épicerie de mon bled : l'épicier regarde, curieux. Il me dit : Non mais vot' truc on dirait du baby sitting ! Personne ne comprend que vous réparez des vélos. 40 ans que je suis dans le commerce ! C'est pas de la politique, le commerce, les gens s'en foutent.
Bon c'est vrai que cette image, ce poing levé dans sa roue aux rayons trop fins, était destinée à tout autre chose, lorsque je l'ai imaginée. C'était un jeu, un brouillon. L'épicier en rajoute dans son bon sens d'épicier. Il m'engueule presque. Je repars avec mon affiche froissée au fond du sac. La défaite. Je l'avais déjà croisé sur ce p... de plongeoir, la garce...
Et puis hier... tout s'éclaire, tout avance, on me rappelle, les gens sont gentils, prévenants, utiles, les portes s'ouvrent, les rendez-vous se prennent, les discussions se concluent. Les choses vont vite, tellement plus vite soudain. Mon tableur excel est mon ami. Il m'affiche une marge nette positive ! C'est la première fois. Le chiffre n'est pas mirobolant, mais il scintille comme naguère cette eau bleue et j'ai envie d'y aller la tête la première.
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