Aujourd'hui, ça y est. Je rends mon badge, je quitte officiellement mon job. Comme Belmondo puis Depardieu le disent à la très jeune puis la moins jeune Catherine Deneuve dans deux films de François Truffaut : « c’est une joie et une souffrance ».
En même temps, la boule au ventre et l’allégresse.
Parce qu’on ne va pas se mentir, j’ai les jetons. Par où commencer ? Et bien, par Pôle emploi ! Et ça c’est une purge ! Le genre d’impératif qu’on aimerait ne jamais avoir à conjuguer. Mais je vais m’inscrire, prendre un rendez-vous avec un conseiller et flipper en attendant mon tour. Comme entrée en matière dans le monde de la libre entreprise, il y a plus réjouissant.
En attendant, je m’active, je répare mes biclous bien sûr mais surtout j’enchaîne les rendez-vous. J’écris mes to-do list, je raye ce qui est fait, rajoute une ligne et recommence. J’écris des mails, dont tant restent sans réponse. Je me prends des vents avec des fournisseurs qui me demandent des preuves que je suis professionnelle, alors que je viens de leur expliquer que je m’apprête à le devenir. J’essaye d’être méthodique pour ne pas me débattre, brasser de l’air et finir prostrée !
Dans cette épreuve initiatique, il y a des rendez-vous particuliers, ceux concoctés par l’Apec (l’association pour l’emploi des cadres) : trois « ateliers » dans le cadre d’un « parcours » baptisé « entrepreneur leader ». Je sais moi aussi ça m’a fait rire ! J’avais tort. Au-delà du jargon positif qui personnellement me déprime, ces rendez-vous m’apprennent beaucoup. Sur moi et sur les autres. Ah quel article cela ferait ! car quelle tranche de réalité tu avales quand tu prends place autour de la table dans la petite salle vitrée face au paper board et que tu découvres les participants. Les participantes en fait, car pour le moment, sur la dizaine de personnes que j’ai côtoyé, un seul homme. Ce sont les femmes qui se retrouvent autour d’une carafe d’eau en plastique, calepin ouvert et stylo en l’air pour frotter leur idée au jugement des autres, en espérant faire jaillir des étincelles ! Des femmes différentes, je voudrais toutes vous les décrire, tant elles sont belles, dignes, fortes et blessées… Tant elles ont de fragilité et d’énergie, d’hésitations, de convictions, de doutes et d'audace… Laissez moi vous parler de l'une d'elle. Appelons-là Stéphanie. Elle a 52 ans, 27 ans au service d’une grande boite, service marketing. Elle est toute mince, les cheveux courts en bataille, le visage marqué de fatigue. Elle ne dit pas tout de suite pourquoi c’est à son compte désormais qu’elle songe proposer des missions de consultante dont je n'ai pas le droit de vous parler, évidemment. C'est son idée, sa petite flamme qu'elle tient au creux de sa paume et qui peut jaillir ou s'éteindre. Bref c'est sacré.Elle nous intrigue. Pourquoi renoncer au confort du salariat ? Que s’est-il passé ?C’est lors du déjeuner qu’elle prononce le mot Burn out. Qu’elle confie avoir été déclarée inapte à travailler par la médecine du travail, avoir réalisé qu’en 27 ans, elle n’avait jamais pris de vacances…Elle est en arrêt maladie Stéphanie après s’être écroulée brutalement. Elle va mieux, elle se reconstruit. Et enquille les activités bénévoles parce qu’elle ne va pas se refaire non plus et juste bailler aux corneilles ou ressasser le passé. Merveilleuse Stéphanie, qui nous a inondé de ses conseils judicieux ce jour-là pour nos propres idées.
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